Une nouvelle compagnie aérienne des Comores, « Comoros Airlines » est sous le feu des critiques depuis plusieurs jours après la note officielle des autorités aéronautiques locales qui confirment qu’aucune autorisation n’a été donnée à la jeune société d’opérer des charters ou de vendre des billets. Les autorités sous-entendent une arnaque, après que la compagnie aérienne aurait vendu des sièges pour des vols inexistants. Celle qui ambitionne entre-autres de relier Moroni à Paris et Marseille en France semble se faire couper les ailes. Faisons le point sur la situation.
Différents médias locaux affirmaient en ce début de semaine que « Comoros Airlines », une jeune compagnie aérienne de l’archipel des Comores, un pays de l’Est africain, ambitionne de lancer l’année prochaine de nouvelles liaisons aériennes entre Moroni, la capitale du pays et Marseille et Paris en France (deux villes qui ont une diaspora comorienne importante), en plus de vols intérieurs dans la zone Océan Indien et internationaux vers l’Afrique.
Les vols vers Paris étaient annoncés sur le site de la compagnie aérienne à 1100€ l’aller-retour, alors que les vols avec escale à la concurrence sont proposés jusqu’à 2000€ selon un média local, la Gazette de Comores.
« Voilà plusieurs années que nous réfléchissons à la mise en place d’une solution dynamique et accessible pour permettre aux Comoriens de France d’enfin et à nouveau bénéficier d’une liaison aérienne internationale [entre les deux pays, ndlr]. Après mon retour au pays courant 2019, constatant les difficultés pour se rendre aux Comores, j’ai mobilisé mon énergie et mes compétences pour créer la compagnie aérienne, afin d’accompagner la diaspora en se projetant dans l’émergence 2030. »
« Mes partenaires et moi-même sommes prêts à relever le défi pour mettre les projecteurs sur nos belles îles des Comores en y amenant un essor du tourisme international, et même régional et rayonner dans la région Océan Indien », indiquait Mohamed Maoulida, CEO de la société (et conseiller à l’Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires, ODAHA), au média Habariza Comores, alors que l’absence de liaison aérienne directe entre la France et son ancienne colonie, indépendante depuis, se fait ressentir.
M. Maoulida est confiant que son projet serait rapidement réalisé.
L’ambition du patron est de posséder 12 avions pour effectuer ces liaisons domestiques et internationales, au départ d’un capital de 8 438 507 640 francs comoriens, l’équivalent de 17,1 millions d’euros.
La Gazette de Comores fait remarquer qu’Air Mauritius, compagnie créée en 1967, porte-drapeau de Maurice, un autre pays de l’Ouest de l’Océan, ne possède également qu’une dizaine d’avions.
De même pour Rwandair, créée en 2003, dont Qatar Airways est en train de finaliser son arrivée prochaine dans l’actionnariat de la compagnie porte-drapeau du Rwanda, à hauteur de 49%.
Des ventes sans autorisation
Ce qui pose problème, c’est que Comoros Airlines aurait commencé à vendre des billets sur son site internet, qui n’est d’ailleurs plus accessible depuis au moins plusieurs heures, alors qu’elle ne possède pas de certificat de transporteur aérien (Air Operator Certificate, AOC) « pour effectuer des vols charters en provenance de la France vers les Comores et vice-versa », selon les mots de l’Agence Nationale de l’Aviation Civile de la Météorologie des Comores (ANACM).

« L’exercice de l’activité de transporteur aérien public, en conformité avec l’article 156 de la loi N°17-016/AU portant code de l’aviation civile, est subordonné à l’obtention à titre individuel d’un agrément délivré par le Ministre en charge de l’aviation civile et d’un permis d’exploitation aérienne (AOC) émis par le Directeur Général de l’ANACM ; lequel permis d’exploitation aérienne peut-être obtenue en suivant un processus de certification établi par l’aviation civile des Comores ».
Cependant, le quotidien local Al-Fajr et Mobilithib ont pu accéder à un document attestant la signature en mars 2023 d’un agrément de la part du Ministère des transports maritime et aérien des Comores pour l’exploitation d’une société de transport aérien. Il est valable trois ans et est renouvelable.

Cette vente n’est pas sans rappeler en Europe le cas de la jeune 4YOU Airlines en Pologne, créée en 2014, où la compagnie aérienne, propriété d’Alfa Star, avait commencé à vendre des billets depuis ses bases de Łódź et Rzeszów, vers Charleroi, Paris, Dortmund, Bergame, Tel Aviv, Rome, Gérone, Édimbourg et Londres. Plus tard la même année, 4YOU Airlines a déposé le bilan et le bureau du procureur de Varsovie avait lancé une enquête car l’entreprise vendait des sièges en étant pas reconnue comme transporteur aérien.
Un autre exemple en France, avec celui de Skyline Airways en 2019, où deux jeunes entrepreneurs français avaient fait parler d’eux à travers un clip musical mais surtout deux émissions de télévision qui ont promu une société, qui s’apparente à une compagnie aérienne, où des vols annoncés dans les émissions et dans le système de réservation étaient fictifs. Même au niveau des autorisations d’institutions, le doute était permis. Toute l’histoire a finalement conduit à une enquête de la Gendarmerie des transports aériens.
La société Skyline Airways, basée à Lyon, a finalement été placée en liquidation judiciaire l’année dernière après une cessation de paiements et l’impossibilité d’un redressement, selon puremedias.
Arnaque ?
La vente chez Comoros Airlines pourrait être considérée comme une arnaque car elle ne possède pas de certificat de transporteur aérien, ni de flotte et encore moins de vols bien que des réservations sur des services de la compagnie aérienne auraient bien eu lieu.
L’ANACM prévient que les clients qui ont déboursé de l’argent ne peuvent se retourner que contre eux-mêmes et la société et non contre d’autres institutions car elle « se désengage de toute responsabilité sur les communications et publicités qui circulent actuellement sur les réseaux sociaux ».
« Les promesses sont très belles pour être vraies. En général les compagnies profitent des hautes saisons pour ramener des milliers de vacanciers à des prix imbattables. Et au moment des vols départ, elles disparaissent dans la nature », déclare un cadre des autorités locales à La Gazette des Comores.
Enfin, le cadre craint même que la compagnie aérienne restera un projet et ne possèdera pas d’autorisation dans le futur, alors que le directeur de la société avait commencé ces derniers mois une campagne publicitaire pour promouvoir ses potentielles futures activités.
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