Le nouveau Tram de Liège inauguré après 58 ans d'absence et plus de 2 ans de retard
Ce vendredi 25 avril, les autorités wallonnes et liégeoises ont inauguré le nouveau tram de Liège. Le réseau sera accessible au public dès ce lundi 28 avril. Il s’agit du sixième réseau de tram contemporain en Belgique, et du premier en service dans la Cité ardente depuis 1967. La ligne T1, probablement unique pour longtemps, relie Sclessin à Coronmeuse et Droixhe en une trentaine de minutes. Mais derrière cette renaissance attendue se cache un chantier chaotique, aux retards multiples et aux conséquences lourdes pour les commerçants et les riverains. Après 430 millions d’euros d’investissements, le tram est là, malgré les derniers couacs techniques.
“Ce tram était nécessaire pour rendre Liège plus verte, plus agréable, plus accessible”, avait déclaré Willy Demeyer lors de son discours à Liège Expo, à la réception de l’évènement d’inauguration.
C’est donc désormais fait, en ce vendredi 25 avril 2025 : le tram de Liège a été inauguré par les autorités. Officiellement, le tram sera pour la première fois en service commercial à partir du lundi 28 avril, avec le premier tram qui démarrera à 4h22 de Liège Expo vers Sclessin.
Il s’agit du sixième réseau contemporain de tram en Belgique et le deuxième en Wallonie.
Le trajet inaugural a quitté Liège Expo vendredi à 11h45, accompagné de représentants politiques et du projet pour rejoindre Opéra.
Tracé de plus de 10 kilomètres
Concrètement, la ligne de tram T1 qui remplace en grande partie la ligne de bus 1 a été inaugurée entre les communes de Sclessin et Coronmeuse et de Droixhe, avec un tracé commun entre Standard (devant le stade de football) jusqu’au Pont Atlas, soit 8,4 kilomètres.
Le tram passera dans le centre-ville de Liège et à certains pôles d’échange en dehors des terminus, comme à Petit Bourgogne, à Général Leman, à la Gare des Guillemins (principale gare de la ville), au Pont d’Avroy, à l’Opéra et à la Place Saint-Lambert et 5 autres secondaires.
Ensuite, le T1 se divise en deux branches, l’une vers Coronmeuse avec 1,2 kilomètres de parcours et une deuxième vers Liège Expo avec également 1,2 kilomètres de parcours. Le terminus Liège Expo se trouve d’ailleurs à proximité du seul dépôt de Bressoux (centre de maintenance et de remisage) et de la gare de Bressoux (S43, S44). Soit au total 23 stations pour 11,7 kilomètres de voies.
Depuis Liège Expo jusque Sclessin, la ligne se fait en 33 minutes et 31 minutes entre le stade de Sclessin et Coronmeuse.
Le tram circulera entre 4h30/5h du matin et 1h. Entre Sclessin et le Pont Atlas, la fréquence des trams variera de 5/6 à 15 minutes par tram en semaine, de 7/8 à 15 minutes le samedi et de 10 à 15 minutes le dimanche et jour férié.
Et 2025 semble n’être guère une raison d’avoir une meilleure fréquence sur chaque branche de 1,2 kilomètre : entre Pont Atlas et Bressoux et Pont Atlas et Coronmeuse, la fréquence des trams variera entre 10/12 à 30 minutes par rame la semaine, 14 à 30 le samedi et 20 à 30 minutes le dimanche et jour férié.
Lors des jours de matches, les trams seront limités à Place Ferrer et lors du jour du Marché le dimanche, les stations Féronstrée et Pont Maghin seront desservies dans les 2 sens.
Le tram, opéré aussi par le TEC, aura le même tarif que le bus avec les titres TEC qui seront donc valables. Cependant, il ne sera pas possible d’acheter des tickets à bord du tram. Là aussi, on semble avoir raté la marche de 2025.
Cependant, il est à noter que le tram sera en service dégradé les premières semaines, avec des fréquences moins importantes, car des problèmes subsistent encore (signalisation, sécurité, des trams incapables d’atteindre la vitesse de 50 km/h…).
De plus, il est probable que la ligne soit exploitée en mode très dégradé ou pas du tout le lendemain de sa mise en service, le 29 avril, à cause d’une grève générale dans le pays qui touche tous les secteurs.
Projet global
Pour inciter les automobilistes à prendre le tram, deux P+R ont été construits à Bressoux (771 places) et à Sclessin (665 places), avec quatre niveaux et des bornes de recharge électrique pour les voitures, des prises de recharge pour les vélos ainsi qu’un rack avec un système d’accroche sécurisé.
Le long du trajet du tram, une place importante a été laissée à la végétation, pour améliorer le cadre de ville, réduire les îlots de chaleur et l’augmentation de la biodiversité. Cela se traduit notamment avec des essences de tilleul, chêne, érable et orme sur les quais. Côté électricité, il est probable qu’aucune énergie verte soit utilisée.
Le projet inclut également l’intégration et l’amélioration de plusieurs itinéraires cyclables, notamment avec des nouvelles infrastructures comme aux Guillemins par exemple. La ligne T1 a nécessité au total 240 000m² de travaux d’aménagement urbain.
“C’est un projet qui a nécessité de la résilience, de la persévérance et beaucoup de patience”, a dit François Desquesnes, Ministre wallon de la Mobilité.
Selon Le Soir, il y a encore de nombreux couacs avec notamment “la signalisation automobile imprécise” ou encore “le cheminement des vélos le long du tracé est, par endroits, resté assez aléatoire”, mais aussi “les malvoyants se sont aussi déjà plaints de la mauvaise signalisation pour accéder au tram ou en éviter les rails.” À se demander où se terminera le bingo des problèmes directs et indirects.
Le tram a d’ailleurs tellement circulé que des touristes ont attendu de monter dedans avant son inauguration à cause d’une communication sur le terrain inexistante.
“Ce n’est qu’un début. Il faudra adapter l’offre et écouter les usagers. (…) Il est normal qu’un tel projet demande plusieurs mois pour atteindre sa vitesse de croisière“, a commenté Jean-Michel Soors, administrateur général du TEC.
Rames espagnoles
Les rames commandées sont des CAF Urbos 100 fabriquées en France et en Espagne, au nombre de 20. Elles circuleront avec de l’écartement standard, soit 1435mm, ce qui en fait le deuxième réseau de Belgique à cette distance.
Côté gabarit, les rames de 7 voitures sont longues de 45 mètres, avec 2,65m de largeur et 3,60m de haut. La masse à vide est estimée à 64 tonnes tandis que les rames peuvent embarquer 310 passagers.
La vitesse commerciale du tram, selon le TEC, sera de 19 à 20 kilomètres/heure, soit plus que la moyenne de 10 à 13 km/h d’un bus en centre-ville.
Toute la ligne est électrifiée en lignes aériennes, sauf sur trois tronçons : entre Général Leman et Blonden, entre Opéra et La Batte (dans le centre-ville) et entre Pont Atlas et Droixhe. Les Urbos 100 utiliseront alors leur batterie : la plus importante sur cette série de trams.
Pour exploiter le T1, il y a 86 conducteurs tram-bus, majoritairement assignés au ferré.
Pour les voyageurs, les trams sont climatisés, ont un plancher plat, des ports USB (mais pas de WiFi), 62 places assises, 8 écrans d’information et 26 hauts-parleurs.
Par ailleurs, il semble que les futures annonces vocales soient inspirées de celles du tram de Luxembourg. Cependant, on notera des différences notables : il y a en tout 9 voix. Les voix sont plus dynamiques le matin et plus calmes le soir. Le sound design n’est également pas le même pour chaque arrêt, et les voix ne sont pas les mêmes selon la direction du tram.
Durant le voyage inaugural, les voix semblaient être trop robotiques.
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Importants changements dans le réseau bus
Avec l’arrivée du tram comme dorsale principale avec le train, ce sont pratiquement toutes les lignes de bus circulant dans Liège qui auront des changements. Le TEC en profite pour redessiner le paysage routier, au grand dam des comités de quartier, qui n’ont pas été consultés.
Les nouvelles lignes seront catégorisées en trois parties : Connect, Urbaines et Interurbaines. Le TEC voudrait créer des reports intermodaux avec l’arrivée du tram en limitant les itinéraires, ce qui permet de réduire le nombre de véhicules ou d’augmenter la fréquence niveau bus.
Les lignes Connect sont au nombre de 10, avec une circulation tous les jours de 5h à 1h du matin, avec des bus toutes les 10 minutes en heure de pointe, jusqu’à descendre à 45 minutes en heure creuse. Pour l’instant, il y a des bus standard et articulés qui circulent, mais la volonté est de passer progressivement à une flotte 100% articulée.
Les lignes Connect comptent notamment la ligne 2 entre Sart-Tilman et la gare des Guillemins (ex ligne 48), qui sera courant 2025 transformé en BHNS, “Busway 2” avec la livraison des Mercedes-Benz eCitaro G.
D’autres lignes de BHNS Busway, B1 (Ans <> Chênée), B3 (République Française <> CHU) et B4 (Léopold <> Fléron) seront créées une fois que l’infrastructure sera mise en place.
Les lignes Urbaines sont au nombre de 47 avec un service de 5h à 23h, jusqu’à 7 jours sur 7 selon les lignes, avec une fréquence de 12 à 30 minutes en heures de pointe et de 15 à 60 minutes en heures creuses, avec des bus standard et articulés.
Les lignes Interurbaines sont au nombre de 31 avec un service de 5h à 23h, jusqu’à 7 jours sur 7 selon les lignes, avec une fréquence de 12 à 30 minutes en heures de pointe et de 15 à 60 minutes en heures creuses, avec des bus standard et articulés.
Au total, 2 lignes sont créées, 1 ligne est supprimée, 27 lignes ont un changement d’itinéraire, 6 ont un changement de numéro et 49 ont un changement de numéro et d’itinéraire. Seules les lignes 28, 40, 41, 42, 84, 86, 122, 156, 167, 268, E20 et E29 ne subissent aucune modification.
Plus d’infos sur les changements, ici.
En septembre prochain, le TEC procèdera aux premiers ajustements sur “les points critiques”, avec 18 mois d’observation et d'analyse approfondie et 36 mois d’observation pour une évaluation complète.
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Un long, très long projet
Des trams ont déjà circulé à Liège : entre 1871 (par les “Chemins de fer américains”) et 1967 sous le nom de la STIL (après plusieurs fusions), avec de l’écartement métrique (1000 mm) et a connu en tout au moins 16 lignes. D’abord hippomobile, le réseau est progressivement devenu électrique dès 1893.
Dans les années 60, le gouvernement belge envisage de construire aussi un métro à liège, créant un tunnel de 800 mètres sous le quai Saint-Léonard, projet abandonné dans les années 80. Mais un projet de métro léger automatisé est aussi lancé à la même période mais la régionalisation des compétences et les priorités budgétaires ont sonné le glas en 1989 du projet.
Depuis 2008, le retour du tram à Liège a fait l’unanimité chez les décideurs : bourgmestres et autorités. L’objectif est de désengorger l’agglomération. Il est décidé en 2011 la ligne Sclessin - Coronmeuse / Bressoux mais finalement le projet prend au moins 5 ans de retard à cause d’appels d’offres et des financements retoqués trois fois par Eurostat. En 2014, le permis unique est obtenu et les travaux préparatoires sont lancés dans la foulée.
En 2018, le consortium “Tram’Ardent” de CAF et de Colas est choisi. Les travaux commencent en 2019 et prennent du retard à cause du COVID. En 2020 et 2021, les premiers rails sont posés et le travail a continué sur l’infrastructure.
Puis une première date est donnée en octobre 2022, mai 2023 puis 25 avril 2024, 31 janvier 2025, 15 avril 2025 et enfin le 28 avril 2025 : le lendemain du Liège-Bastogne-Liège. Une magnifique vitrine ratée. Oubliez aussi la gratuité temporaire de découverte, le projet n’a jamais fait de cadeau.
Les commerçants le long du parcours ont été les premières victimes des travaux, parce que les places de stationnement n’étaient plus disponibles, les embouteillages, les déviations etc. Bon nombre ont vu leur chiffre d’affaires chuter dans des proportions importantes.
Au total, le projet a coûté 430 millions d’euros, dont 380 millions d’euros sont remboursés progressivement à Tram’Ardent, le prestataire, sous forme de redevance d’investissement, versée trimestriellement jusqu’en 2052. Il y a par ailleurs un système de pénalités strictes, si la maintenance est insuffisante ou le service défaillant, en réduisant ou en suspendant les paiements.
Le consortium Tram’Ardent doit concevoir, financer, construire et assurer la maintenance du tram pendant 31 ans.
Les prolongements entre Sclessin et Jemeppe-sur-Meuse et Coronmeuse et Herstal, pour plus de 5 kilomètres supplémentaires, ont été abandonnés l’été passé par la Région wallonne : “trop cher”, à 347 millions d’euro. Il est attendu que ces tronçons soient remplacés par des lignes de bus “prioritaires”, que certains pensent être dépassées. Ces travaux avec leur abandon ont déjà coûté 12 millions d’euros.
Le 10 mai aura lieu un festival en ligne, où les citoyens sont invités à découvrir la ligne et pourquoi pas des animations avec aussi des artistes locaux, pour doucement mettre un terme à la plaie de la construction du tram de Liège.
Le tram est là. Mais la confiance, elle, reste à construire. En 6 ans, la construction, qui pour certains est catastrophique, a changé la ville mais il lui faudra de nombreuses années pour percevoir le positif du tram en dehors de son itinéraire.
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